Sunday, January 21, 2007

Une semaine ordinaire en volontariat en Arménie



Chaque semaine est extraordinaire, mais le cadre reste le même. Je vais essayer de vous donner une idée de ce que je vis au quotidien ici.
Lundi: Réveil à 9h30. Petit déjeuner avec du lavache, pain traditionnel en forme de crèpe, saucisses, et beurre au chocolat... 10h00, Cours d'Arménien, à la maison. C'est pratique d'avoir sa prof qui habite chez soi. 12h00, travail sur différents projets: un projet photo pour la France, un projet de réflexion autour du racisme, traductions de demandes de visas et autres documents, préparation de la présentation de mon pays. Cuisine. Puis je sors retrouver mes amis. Un quart d'heure pour accéder au métro en forçant un passage entre les citadins qui se pressent pour acheter les meilleurs fruits et légumes proposés sur le trottoir avec des ballons de baudruches et autres accessoires. Un quart d'heure de métro pour arriver au bureau. Il n'y a qu'une ligne. Je suis à un terminus et le bureau est l'avant dernière station. J'ai quand même réussi à me planter de sens au début... Non, je n'ai pas changé! On se retrouve souvent autour d'un café ou d'une bière avec Joao. Nous ne sommes souvent que tous les deux au bureau.
Mardi: Travail sur les mêmes projets, et devoirs d' arméniens. A 13h00, premier cours d'arménien au bureau avec 4 étudiants (plus, c'est difficilement possible vu la taille du bureau.) et à 15h00 avec 3 étudiants (tous ou presque sont membres de l'association) A 16h30, Il me faut une demi heure pour m'en remettre, tellement je me donne et m'acharne à expliquer ce que certains appellent ici "la plus belle langue du monde". J'ai retrouvé un autre SVE français cette semaine. Puis, j'ai rejoint mes amis arméniens et Joao qui m'a raconté son voyage en Iran! (je vais essayer d'y aller). Souvent sans alcool, l'ambiance est toujours très sympa. Je rentre en métro avant 23 heures et discute jusqu'à 3 heures du matin avec Tagouhie, de sa vie, de l'Arménie et des traditions, en français bien sûr! C'est toujours passionnant, raison pour laquelle j'ai du mal à aller me coucher...
Mercredi: Préparation des cours de français de la semaine. Départ à midi, direction métro, bureau. Puis mini bus jusqu'à Zatik, coccinelle, l'orphelinat d'Etat, un des plus pauvres donc. J'ai des cours avec deux étudiants en français qui veulent améliorer l'oral parce qu'ils ont des examens importants pour la suite de leurs études. Je mange à la cantine avec le personnel très accueillant. Ainsi, je découvre le monde du travail et la nourriture arménienne. Après une heure de repas, "il faut se reposer" me dit la prof de français avec qui je travaille... Thé, café à volonté, gâteaux, bonbons... On se repose souvent en Arménie... Quelques fois, avec leur manière de conduire, leurs traditions, leurs retards permanents, (je me suis bien adaptée pour ça au moins), leur capacité à se reposer, ils me rappellent les Africains. Après, je retrouve mes huit nanas agées de 13 à 18 ans, à qui je donne une introduction à la langue française. Cette prof de français, au parcours peu commun, est adorable: elle m'accompagne, me guide, et m'aide même pour mes cours d'arménien. Je me sens utile là, même si je sais pertinemment qu'ils n'ont pas besoin de moi.
Jeudi: Cours d'arménien, puis Zatik. Pour le moment, je fais la même chose mais je dois développer des activités interculturelles pour la suite. Après cela, je suis allée manger avec Gohar et un de ses amis qui m'a invitée à manger pour me souhaiter la bienvenue en Arménie. Un jour dans un bar, les serveurs m'ont offert ma bière pour la même raison. C'est comme ça ici.
Après, je suis allée rendre visite à la grand mère d'un ami. Elle a 85 ans, elle a passé ses 25 premières années en France. Elle est de nationalité arménienne mais est "Française de coeur". Son histoire retrace le demi siècle dernier en Arménie. Rescapée du "deuxième génocide" de 1922, sa famille a émigré en France où, déjà, l'intégration était difficile. En ce temps là, les Arméniens de France ne parlent que des disparus et de ce qu'on appelle à l'époque "le massacre des Arméniens". En 1947, lors de l'un des grands rapatriements organisés par l'ex URSS, ils rentrent en Arménie, riches et bien vêtus. Ils ne parlent quasiment que le français et certainement pas le russe. On leur avait promis Monts et merveilles. C'est la famine lorsqu'ils arrivent. L'intégration est terrible. Ils sont rejetés de toutes parts. Elle a toujours regretté la France. C'est passionant de l'écouter, et ce, dans un français bien plus correct que le mien, puisqu'elle parle bien mieux le français que l'arménien, langue qu'elle a toujours rejetée. Après m'avoir dit que je pouvais revenir quand je voulais, on me raccompagne en voiture, dans un brouillard que je n'ai jamais vu en France...
Vendredi: Je fais la grâce matinée en attendant de m'être suffisamment imprégnée de la situation pour développer mon projet personnel. Pour le moment, j'écris. La condition des femmes est le sujet qui m'enthousiasme le plus. Mais je suis aussi intéressée par l'environnement (Erevan est la plus grosse fumeuse d'Arménie et une gigantesque poubelle...), le génocide et le théâtre. Puis je retrouve mes amis étudiants pour un cours de français. Une amie nous invite au restaurant. Nous discutons encore de mon sujet favori: la condition de la femme (je récolte les points de vue!). Cette fois, c'est à propos de la virginité. Certaines Arméniennes n'attendent donc pas le mariage. Mais aller à l'hôpital pour recoudre la fleur blessée semble devenir une tradition pré-maritale. La société impose une forte pression sur les jeunes femmes: seule la vierge et la mère sont respectées. La femme n'est rien. Les parents incarnent cette société puisqu'après la nuit de noce, les mères vérifient si les draps portent bien la marque d'une étreinte pure... symbolisée par le fruit national, la grenade. Mais beaucoup d'hommes, tous plus ou moins expérimentés, refusent de se marier avec une fille qui l'est. Les pauvres n'ont donc pas le choix si elles veulent exister dans cette société. Après cette description passionnante (et, j'en suis navrée, un peu crue), nous nous rendons dans différents cafés, bars et clubs (boîtes de nuit). Nous rentrons très tôt. Le matin. C'est donc en taxi.
Samedi: Grâce matinée. Différentes activités: Carnaval, patin à glace, concerts, disco, soirée à discuter dans les cafés, karaoké, dîner chez des amis... Mais hier, je suis restée à la maison. Ca m'arrive, quelques fois.
Dimanche: C'est chacune son tour pour le grand ménage et c'est lessive, courses , préparation de la semaine et retrouvailles avec les amis.
Qui a dit qu'on s'ennuyait en Arménie?

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