Tuesday, January 23, 2007

Une grosse bêtise


Il était une fois, dans un pays très lointain, une petite fille qui vivait avec deux autres petites filles. Un jour, elle devait aller au Carnaval pour fêter l'ancienne nouvelle année, le 13 Janvier. Elle demande un déguisement à une amie arménienne qui lui prète un masque de Cléopâtre et un de César pour son cavalier. La petite fille passe un très bon moment puis rejoint d'autres amis voir un concert de reggae arménien. Avec une des petites filles qui vit avec elle, elle rentre en taxi. Le taxi ne veut pas la laisser payer, et lorsqu'elle demande pourquoi, il lui répond, "ia tibia lioubliou", ce qui signifie en russe, je t'aime. Surprises, elles se dépèchent donc de rentrer à la maison.
Mais la petite fille, qui est étourdie se rend compte qu'elle a oublié son sac dans lequel elle avait mis les masques et ses vêtements de déguisement dans le taxi. Elle se précipite dehors pour voir si le taxi est encore devant la porte. En effet, il y a une voiture avec des phares allumés mais elle ne peut pas discerner si c'est bien le taxi. Elle s'approche et la fenêtre s'ouvre. A l'intérieur, il y a un renard. Comme elle ne voit pas bien, elle ne sait pas que c'est un renard rabiz, une des racailles de ce pays... Il y en a beaucoup près de sa maison, mais pour l'instant, elle l'ignore. Elle s'excuse poliment lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle s'est trompée, en expliquant qu'elle pensait qu'il était le taxi dans lequel elle avait oublié son sac. Il répond en anglais (parce que les jeunes renards parlent anglais) qu'il a vu le taxi partir. Il lui dit, "monte, si tu veux, on va le retrouver". Elle pense: "ma maman m'a toujours défendu de monter en voiture avec des inconnus." Elle refuse tout en pensant à son sac qu'elle sait désormais perdu. Il dit "d'accord. Donne moi ton numéro de téléphone et si je retrouve ton sac, je t'appelle". Pour s'en aller, elle donne un numéro qu'elle sait ne pas être le bon. Elle rentre à la maison avec ses amies, sorties par peur d'un danger, et celles-ci se mettent à la disputer très fort. Elle réplique qu'elle n'a rien fait de mal, à part oublier son sac.
Mais à 3heures du matin, une heure après, le renard revient. Il a vu que trois petites filles seules habitaient dans cette maison, et ce n'était pas un renard, c'était un méchant loup! Il arrive avec un autre méchant loup pour frapper à la porte. Comme la petite fille a donné un numéro, il a cru qu'elle était une souris deguisée en petite fille. Il a cru qu'elle pretextait avoir perdu son sac juste pour lui parler! Parce que, dans ce pays, les souris ne sont pas toutes sur le trottoir. Elles font aussi du "private business". Elles se cachent et parlent dans un langage codé que les méchants loups rabiz connaissent bien. Mais la petite fille ne savait pas cela. Alors, comme personne ne répond, ils s'en vont. Mais on lui explique que si les méchants loups reviennent, il va falloir déménager. On lui dit encore que si les méchants loups croisent la petite fille dans la rue, ils peuvent lui demander des choses, que si elle refuse, ils peuvent devenir brutaux. La petite fille demande naïvement, ce que fait la police dans cette démocratie, elle dit qu'en cas de harcèlement, on peut demander à être protégé par la police. Mais la police est un troupeau de vaches et on lui dit que si elle demande de l'aide, ils peuvent l'aider par souci d'hospitalité envers une étrangère, ou encore venir eux aussi et frapper à la porte pour voir s'il n'y aurait pas une souris cachée pour s'amuser un peu.
La petite fille réalise les conséquences de son acte naïf et spontané. Elle voit ses amies qui ont peur et se sent de moins en moins rassurée. Le lendemain, quelqu'un frappe à la porte. L'autre petite fille, qui n'est pas non plus de ce pays, a peur. Elle demande à la petite fille de vérifier si sous le balcon, ce ne serait pas par hasard la voiture de la veille. La petite fille qui a une bonne mémoire lui répond que non et que même avant la grosse bêtise, des gens frappaient à la porte. Ca pourrait aussi bien être le facteur! Elles ne sauront jamais, elles n'ont pas le droit d'ouvrir la porte...
Plus tard, la petite fille qui se sent très coupable en parle à d'autres amis. Ses amis qui ne sont pas de ce pays la comprennent tous (sauf celle qui vit avec elle et qui est atteinte d'une maladie qui s'appelle paranoïa quelques fois...). Les autres amis lui expliquent tout ce qu'elle ne doit pas faire et pourquoi elle ne doit pas le faire. Ils la rassurent aussi.
Le grand méchant loup n'aest jamais revenu. Les petites filles vivent en paix et n'ont plus peur. La petite fille a compris et ne recommencera plus à parler la nuit avec des inconnus.
Moralité: quand on est loin, il faut commencer par bien comprendre les codes, puis la culture, et enfin, connaître les conséquences de ses actions.
Je suis chargée de continuer le guide du volontaire européen en Arménie que Joao a commencé. J'ai beaucoup de choses à écrire concernant le comportement à avoir lorsqu'on est une fille...

Sunday, January 21, 2007

Une semaine ordinaire en volontariat en Arménie



Chaque semaine est extraordinaire, mais le cadre reste le même. Je vais essayer de vous donner une idée de ce que je vis au quotidien ici.
Lundi: Réveil à 9h30. Petit déjeuner avec du lavache, pain traditionnel en forme de crèpe, saucisses, et beurre au chocolat... 10h00, Cours d'Arménien, à la maison. C'est pratique d'avoir sa prof qui habite chez soi. 12h00, travail sur différents projets: un projet photo pour la France, un projet de réflexion autour du racisme, traductions de demandes de visas et autres documents, préparation de la présentation de mon pays. Cuisine. Puis je sors retrouver mes amis. Un quart d'heure pour accéder au métro en forçant un passage entre les citadins qui se pressent pour acheter les meilleurs fruits et légumes proposés sur le trottoir avec des ballons de baudruches et autres accessoires. Un quart d'heure de métro pour arriver au bureau. Il n'y a qu'une ligne. Je suis à un terminus et le bureau est l'avant dernière station. J'ai quand même réussi à me planter de sens au début... Non, je n'ai pas changé! On se retrouve souvent autour d'un café ou d'une bière avec Joao. Nous ne sommes souvent que tous les deux au bureau.
Mardi: Travail sur les mêmes projets, et devoirs d' arméniens. A 13h00, premier cours d'arménien au bureau avec 4 étudiants (plus, c'est difficilement possible vu la taille du bureau.) et à 15h00 avec 3 étudiants (tous ou presque sont membres de l'association) A 16h30, Il me faut une demi heure pour m'en remettre, tellement je me donne et m'acharne à expliquer ce que certains appellent ici "la plus belle langue du monde". J'ai retrouvé un autre SVE français cette semaine. Puis, j'ai rejoint mes amis arméniens et Joao qui m'a raconté son voyage en Iran! (je vais essayer d'y aller). Souvent sans alcool, l'ambiance est toujours très sympa. Je rentre en métro avant 23 heures et discute jusqu'à 3 heures du matin avec Tagouhie, de sa vie, de l'Arménie et des traditions, en français bien sûr! C'est toujours passionnant, raison pour laquelle j'ai du mal à aller me coucher...
Mercredi: Préparation des cours de français de la semaine. Départ à midi, direction métro, bureau. Puis mini bus jusqu'à Zatik, coccinelle, l'orphelinat d'Etat, un des plus pauvres donc. J'ai des cours avec deux étudiants en français qui veulent améliorer l'oral parce qu'ils ont des examens importants pour la suite de leurs études. Je mange à la cantine avec le personnel très accueillant. Ainsi, je découvre le monde du travail et la nourriture arménienne. Après une heure de repas, "il faut se reposer" me dit la prof de français avec qui je travaille... Thé, café à volonté, gâteaux, bonbons... On se repose souvent en Arménie... Quelques fois, avec leur manière de conduire, leurs traditions, leurs retards permanents, (je me suis bien adaptée pour ça au moins), leur capacité à se reposer, ils me rappellent les Africains. Après, je retrouve mes huit nanas agées de 13 à 18 ans, à qui je donne une introduction à la langue française. Cette prof de français, au parcours peu commun, est adorable: elle m'accompagne, me guide, et m'aide même pour mes cours d'arménien. Je me sens utile là, même si je sais pertinemment qu'ils n'ont pas besoin de moi.
Jeudi: Cours d'arménien, puis Zatik. Pour le moment, je fais la même chose mais je dois développer des activités interculturelles pour la suite. Après cela, je suis allée manger avec Gohar et un de ses amis qui m'a invitée à manger pour me souhaiter la bienvenue en Arménie. Un jour dans un bar, les serveurs m'ont offert ma bière pour la même raison. C'est comme ça ici.
Après, je suis allée rendre visite à la grand mère d'un ami. Elle a 85 ans, elle a passé ses 25 premières années en France. Elle est de nationalité arménienne mais est "Française de coeur". Son histoire retrace le demi siècle dernier en Arménie. Rescapée du "deuxième génocide" de 1922, sa famille a émigré en France où, déjà, l'intégration était difficile. En ce temps là, les Arméniens de France ne parlent que des disparus et de ce qu'on appelle à l'époque "le massacre des Arméniens". En 1947, lors de l'un des grands rapatriements organisés par l'ex URSS, ils rentrent en Arménie, riches et bien vêtus. Ils ne parlent quasiment que le français et certainement pas le russe. On leur avait promis Monts et merveilles. C'est la famine lorsqu'ils arrivent. L'intégration est terrible. Ils sont rejetés de toutes parts. Elle a toujours regretté la France. C'est passionant de l'écouter, et ce, dans un français bien plus correct que le mien, puisqu'elle parle bien mieux le français que l'arménien, langue qu'elle a toujours rejetée. Après m'avoir dit que je pouvais revenir quand je voulais, on me raccompagne en voiture, dans un brouillard que je n'ai jamais vu en France...
Vendredi: Je fais la grâce matinée en attendant de m'être suffisamment imprégnée de la situation pour développer mon projet personnel. Pour le moment, j'écris. La condition des femmes est le sujet qui m'enthousiasme le plus. Mais je suis aussi intéressée par l'environnement (Erevan est la plus grosse fumeuse d'Arménie et une gigantesque poubelle...), le génocide et le théâtre. Puis je retrouve mes amis étudiants pour un cours de français. Une amie nous invite au restaurant. Nous discutons encore de mon sujet favori: la condition de la femme (je récolte les points de vue!). Cette fois, c'est à propos de la virginité. Certaines Arméniennes n'attendent donc pas le mariage. Mais aller à l'hôpital pour recoudre la fleur blessée semble devenir une tradition pré-maritale. La société impose une forte pression sur les jeunes femmes: seule la vierge et la mère sont respectées. La femme n'est rien. Les parents incarnent cette société puisqu'après la nuit de noce, les mères vérifient si les draps portent bien la marque d'une étreinte pure... symbolisée par le fruit national, la grenade. Mais beaucoup d'hommes, tous plus ou moins expérimentés, refusent de se marier avec une fille qui l'est. Les pauvres n'ont donc pas le choix si elles veulent exister dans cette société. Après cette description passionnante (et, j'en suis navrée, un peu crue), nous nous rendons dans différents cafés, bars et clubs (boîtes de nuit). Nous rentrons très tôt. Le matin. C'est donc en taxi.
Samedi: Grâce matinée. Différentes activités: Carnaval, patin à glace, concerts, disco, soirée à discuter dans les cafés, karaoké, dîner chez des amis... Mais hier, je suis restée à la maison. Ca m'arrive, quelques fois.
Dimanche: C'est chacune son tour pour le grand ménage et c'est lessive, courses , préparation de la semaine et retrouvailles avec les amis.
Qui a dit qu'on s'ennuyait en Arménie?

Wednesday, January 10, 2007

La semaine des fêtes en Arménie


Personne ne travaille du 31/12 au 6/1. Il faut une semaine pour rendre visite a toute la famille, a tous les amis, pour souhaiter la bonne annee.
Le 31, jusqu'a minuit, on reste en famille. Apres, les jeunes sortent. Cette annee, tout le monde est reste chez soi. Que font un Portugais et une Francaise invites de toute part par leurs amis Armeniens a feter le reveillon en famille? Ils refusent poliment en cherchant d'autres expatries pour un nouvel an plus festif que familial. Ca donne deux Iraniens, un Indien, un Americain, une Espagnole dans un appart, luttant pour deboucher le "champagne" qui est en fait du mousseux. Ivres de joie, a minuit, nous nous dirigeons vers une boite gay que les gens confondent avec le "cafe francais" du dessus... Bar tres joyeux donc, dans lequel nous rencontrons quelques francais, dont le fils meme de celui qui refuse les visas aux Armeniens pour les pays europeens, j'ai nomme, le Consul! Puis, nous finissons dans une autre boite de nuit tres festive et conviviale. Nous ne sommes plus que trois. Nous rentrons a 8h00.
17h00 reveil. Nous sommes invites chez une amie armenienne, toujours avec Joao.
Tradition oblige: une bonne demi-douzaine de toasts; au choix, du vin, du calva ou de la vodka. On porte des toasts pour les voeux. L'accueil est si chaleureux que les larmes me montent aux yeux et que je vis pleinement cette tradition qu'est de feter la nouvelle annee. Jamais d'eau a table, mais des jus de fruits homemade ou encore l'omnipresent 4n4w, coca et son inseparable ami, le $wESw, fanta. Sur la table, mille et une saveurs. Chacun se sert a sa guise. On mange surtout avec les mains, tout est fait pour. Differents saucissons, champignons, fromages, lavache et autres pains, le cochon traditionnel... Quand vous avez fini de manger et que vous n'avez plus faim, vous vous rendez compte que ce n'etait que l'entree... Apres viennent tous les plats chauds. Un poisson eventuellement apres. Puis les gateaux, les bonbons et diverses sucreries. Viennent ensuite les fruits frais, puis les noix, noisettes, cacahuetes... Attention, il faut gouter a tout quand on ne connait pas! Cafe et the annoncent la fin du repas. Un regal. Il faut avoir faim, c'est tout. Comme c'est pendant une semaine, dans chaque foyer la meme chose, le lendemain, on remet ca, bien sur, en n'oubliant pas les voeux: pour 2007, on me souhaite de me marier...
Puis, je pars avec Joao et Stepan (jeune armenien sportif, temeraire et adorable) pour dsarkadzor, une station de ski a 50 km de la et a 2800m. Nous skions toute la journee. Joao abandonne apres etre tombe une bonne dizaine de fois en un quart d'heure (les sports d'hiver ne sont pas le fort des Portugais...). C'est donc moi la prof pour Stepan (si, si). Le bon air de la montagne, ca ressource. A minuit, c'est l'anniversaire de Stepan. Nous allons au sauna avant de nous coucher tres tot le matin dans un hotel a 2000 drams (4 Euros) la nuit, sans douche et sans papier toilette... Le lendemain, nous decidons d'aller nous baigner en pleine nature. A 15km de la, se trouve une source d'eau minerale chaude, en plein air, geree par de petits exploitants. L'eau est verte, mais c'est bon pour la peau et les os,...sauf quand on a la peau seche. Extenues et frigorifies, (autour il n'y a que de la neige et de la glace...) nous repartons feter l'anniversaire de Stepan en famille avec nos amis.
Je rencontre sa soeur, premiere armenienne feministe! Ca fait du bien de savoir que je ne suis pas seule a gueuler! Nous restons pour la nuit. Le matin, encore des invites venus souhaiter la bonne annee. Toasts obliges. Vodka, ce matin... Je croyais que c'etait une blague mais comme tous les verres etaint pleins, j'ai du m'adapter...
Puis arrive la fete de la naissance du Christ, le 6/1. Partout, on peut rencontrer des Armeniens revenant de la messe avec une bougie a la main qu'ils essaient de garder allumee malgre la neige et le vent. Pour moi, c'est un petit repas traditionnel avec mes deux collocs.
2007 s'annonce pour moi sous le signe de la decouverte, de la convivialite et de l'humanite.
Je vous souhaite une tres bonne annee, la sante d'abord, l'amour ensuite, et si vous avez vraiment de la chance, la reussite! ;-)