Friday, April 6, 2007

L'Arménie envahie




Avril 2007: Quatre Normands débarquent à Erevan: Guylaine, Denis, Brigitte et Gervais. Retrouvailles joyeuses!



J'ai beaucoup observé et parlé évidemment. Leurs premières réactions ont été similaires aux miennes. Le temps étant grisailleux, la réalité était mise en valeur. Pollution des campagnes, un pays sans architecture historique en apparence, des villages habillés de blocs soviétiques, un peuple curieux qui vous fait sentir votre différence par des regards oppressants et oppresseurs. Choc. C'est très différent... Pourtant, ils ont joué le jeu et m'ont fait confiance. Ils ont rencontré. D'abord à Zatik, Satenik, la prof de français avec qui je travaille, puis la grand mère de mon élève. Mais aussi une femme fière et heureuse de nous faire découvrir son Khor Virap, en arménien, puis qui a insisté pour nous inviter à prendre une petite collation chez elle, avec les moyens du bord, en toute modestie et en toute sincérité.



Tout le monde a été ému de ces spontanéités. Je crois qu'ils peuvent mieux parler que moi de ce qu'ils ont ressenti. Quand on commence à comprendre pourquoi c'est comme ça, par leur histoire, ça devient magique, ça nous ramène aux sources.



Maintenant voilà. C'est une expérience de court terme. Moi je vis ici depuis déjà six mois. Je connais d'autres étrangers qui vivent ici depuis 5 ou 6 ans, voire plus. C'est difficile. Leur histoire permet d'expliquer beaucoup de comportements. C'est un peuple fermé sur lui-même, homogène, nationaliste et fier qui expose partout son drapeau et qui chante son hymne nationale même en boîte de nuit... Ils ne sont pas à l'écoute de l'autre, pas curieux de ce que l'on a à dire ou de ce qu'on a à apporter, nous étrangers. Ils ne posent de questions et ne sont intéressés que par ce que l'on pense de leur pays et de leur peuple. C'est un peuple qu'on ne peut jamais intégrer si notre sang n'est pas arménien, et quelques fois, même si on vient de la diaspora.



Les gens les plus cultivés sont capables de tenir des discours misogynes, sur lesquels je ne reviendrai pas, et racistes, notamment envers les musulmans et plus particulièrement contre les Azéris et les Turcs, qui par ailleurs, ne sont pas toujours mieux... On m'a dit la France aux Français, les Arabes dehors et vive Sarkozy... Ce ne sont pas des Arméniens rencontrés au hasard qui m'ont dit cela. Comment leur expliquer que si Chirac a fait beaucoup pour l'Arménie, Sarkozy est différent. On m'a demandé pourquoi je prenais la politique trop au sérieux... Evidemment, j'ai vu les élections de leur pays avec la corruption et l'incapacité des dirigeants, et je comprends leur désintéret.



C'est en Arménie et en Turquie que j'ai senti ce qu'était qu'être discriminée par la nationalité ou la différence. Pour tous, c'est plus ou moins dur. Comme le dit Emilie, en Arménie on prend dix ans et on en perd dix à la même seconde. La découverte fait murir mais le manque de liberté qu'on peut ressentir, nous les filles, la surprotection des Arméniens, c'est tout le paradoxe de ce pays, que malgré tout, on aime tous.



La diaspora qui revient aux racines est souvent bien déçue et pour cause. Mais le peuple arménien est brisé par un génocide, par une domination soviétique de 70 ans, par une guerre pour le territoire du Karabakh, par le fait que la nation est divisée entre "natifs" et diaspora, par les nombreuses tentatives (passées) d'invasion des pays frontaliers dont les trois quarts sont musulmans, par les tremblements de terre, par une situation économique proche de la catastrophe. Ils essaient de se construire tant bien que mal après seulement 15 ans d'indépendance dans un environnement régional et mondial sans pitié. Et peut-être qu'effectivement, c'est cette souffrance qui fait qu'ils ne peuvent pas écouter. Quand on souffre on ne s'ouvre pas, on essaie de survivre.

Thursday, April 5, 2007

Vanadzor



Navrée de ne pas tenir très à jour mon blog. Mais voilà, comme tout le monde, même en Arménie, il arrive de tomber dans un quotidien... En effet, je vis comme vous, et le quotidien, on le retrouve partout. D'où l'importance de ne pas partir pour fuir!


Seulement, je dois bien l'avouer, le quotidien n'est pas le même partout! En effet, ici, je découvre tellement tout le temps qu'il m'est parfois difficile de raconter, de faire le point dans mes émotions. C'est en discutant avec d'autres que l'on peut faire le point sur le paradoxe de l'étranger en Arménie. Ce n'est pas toujours simple, mais les coups durs on les vit ensemble, tout comme les bons moments!


Alors voilà, ce week end, je suis partie à Vanadzor à 100 km d'Erevan pour rendre visite à une amie: Emilie, française, SVE. Nous sommes partis à 4: Julija, Peter, Gregor et moi. Nous avons cherché le minibus pendant un quart d'heure tout en étant harcelés par les nombreux taxis... Tous les mêmes ceux-là, les frontières ne font aucune différence. Mais comme l'argent disparaît à vue d'oeil, pour moi, il est inconcevable de payer plus cher un de ces emm... Obstinée, comme d'habitude, je ne lache pas prise et parviens à trouver le minibus où tout le monde monte à contre coeur. (Petite pensée pour Gregor qui du haut de son mètre 90 et des poussières était vraiment plié en 4) Que n'avais-je pas fait là!!! Au bout d'une heure, la moitié du trajet, nous tombons en panne. Et parce que c'est trop facile de tomber en panne dans la plaine, c'est en pleine montagne que l'incident survient. Tout le monde a payé. Que va faire le chauffeur? Et bien c'est très simple. On attend qu'un autre minibus arrive. Pour monter la côte, on accroche l'autre minibus derrière. Et on se fait trainer... Pas bête! Seulement avec le vide et les virages, tout cela n'a rien de rassurant. On aperçoit le sommet. Que va-t-il se passer maintenant? Et bien en roue libre tout simplement! Et vas-y que je freine à tout va!!! La montée suivante, on recommence l'opération! Seulement, les pentes sont de 12 degés minimum... Alors forcément, les freins, ils trinquent. Je suis assise sur la roue. Ca commence à sentir. On met nos pulls sur nos visages. Tout à coup, Peter commence à s'exciter, je ne comprends pas, il parle au chauffeur en russe. Puis il me désigne du doigt. Je suis dans le brouillard. La fumée émane de mes pieds... Sympa!!! Mais bon, qu'est-ce qu'on peut faire à part en rire. Nerveusement. Nous avons mis trois heures au lieu de deux. Je suis arrivée avec une grosse migraine. Le week end commençait bien.


Puis heureusement, Emilie nous a fait partager sa petite vie. Nous avons passé une soirée géniale, à se pisser dessus. Le lendemain, motivation. On part pour 2 heures en randonnée, ou devrais-je dire en escalade? Fini le temps des pentes douces du chemin des douaniers... Maintenant, c'est de la montée dure! Je me suis posée la question pendant deux heures de sérieusement arrêter de fumer. Tout le monde est devant moi. Je fais des pauses toutes les deux secondes (il est beau le paysage, pretextè-je face à l'incrédulité et à la pitié des autres qui m'attendent). Arrivée en haut, après un quart d'heure, je m'en grille une. De toute façon, ça ferait trop plaisir aux Arméniens que j'arrête. Et j'ai de nouveau une excuse pour fumer. La provocation. Pas malin, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Mais l'air frais de cette ville qui est la troisième d'Arménie mais qui ressemble plus à un village m'a fait du bien. Nous redescendons les quelques Tours Eiffel que nous venons de grimper, moi la première (je suis toujours en dessous des autres...). Nous rentrons, exténués mais détendus, heureux de notre moment passé ensemble. On se retrouve l'année prochaine à Marseille! N'est-ce pas Emilie?