Thursday, August 30, 2007

La Géorgie







Comme l'Azerbaïdjan est vraiment un pays dans lequel je n'ai pas envie d'aller (étant donné que tous ceux que j'ai rencontrés dans des échanges de jeunes étaient lavés du cerveau, accompagnés d'une personne du KGB et qu'ils m'ont interdit de parler de certains sujets politiques parce que j'étais Française), il ne me restait plus que la frontière Nord de l'Arménie à traverser pour avoir fait le tour de tous ses pays voisins.

Mon visa expirant, il fallait faire vite pour ne pas avoir à en racheter un autre. A l'arrache, le dernier des volontaires à arriver avant mon départ, Luc, celui qui a repris mon projet, accepte de m'accompagner. C'était risqué, on se connaissait depuis deux jours. Rien ne disait qu'on allait s'entendre.

Tout s'est pourtant bien passé, je gérais le voyage. Nous avons visité Tbilissi le premier jour. Elle me paraît tellement plus européenne qu'Erevan! Puis, nous repartons vers Kazbeghi au nord, près de la frontière russe. Nous grimpons une colline pour visiter une Eglise orthodoxe. 2800 m. Je suis en robe et en sandalettes. Autour de nous, les randonneurs sont équipés comme s'ils allaient grimper le Mont Blanc. Parcours très facile (de toute façon après Aragats, tout me paraît facile...). Arrivés dans l'Eglise, les femmes doivent se voiler la tête et mettre une jupe. Ils en distribuent à l'entrée. Je suis déjà équipée.

En Turquie, il faut se couvrir les épaules, en Iran, il faut mettre un tchador, en Géorgie, un voile et une jupe. En Arménie, à moins que vous débarquiez à poil, personne ne vous dira rien.

Après mes neuf mois en Arménie, la Géorgie n'a pas grand chose d'original; à mon avis, elle est beaucoup plus facile à vivre pour nous, Européens.

Friday, August 10, 2007

Merci du fond du coeur!


Vlad, le grand amoureux de la France, mon seul élève fidèle qui n'a raté qu'un cours en 9 mois...!
Un être cher qui a toujours répondu présent à l'appel et qui s'est occupé de moi et de toute ma famille quand ils sont venus. Sa famille est ma troisième famille en Arménie.




Jérôme, "le petit nouveau" pour moi. Il est mon colloc français qui a supporté mon besoin de parler patois, de dire des gros mots... Il a aussi toujours écouté les difficultés que j'ai eues à vivre ici, sans juger et en essayant de m'aider




Dzovinar, une Libanaise de la diaspora arménienne, une fille touchante à qui j'ai pu me confier bien des fois parce qu'elle ne me juge pas. Rencontre tardive, elle est l'une de celles qui me comprennent le mieux.


Armen sauvage, l'Américain arménien de la diaspora qui connaît tout un tas de trucs bizarres pour survivre dans la nature, genre manger des orties et faire du thé avec un briquet et un pot sur la glace à -20 degrés... Il a une jolie philosophie de la vie.



Typhenn, pour le coup elle est vraiment nouvelle. Une Française qui est là pour un an. Je m'entends très bien avec elle et partage son angoisse de rester ici si longtemps... Choc culturel oblige.



Je n'oublie pas les serveurs de l'Irish pub, Zatik les autres volontaires de FYCA et quelques personnes de fin de parcours...

...quelque chose d'extraordinaire.


Thomas, le Franco-libanais qui ne voulait pas rencontrer de Français... Finalement, on a réussi à s'apprivoiser! Sa discrétion cache souvent la pertinence de ses analyses sur la société arménienne entre autre.


Émilie, ma Française. Nos rencontres ont été rares mais très intenses! Elle a fait preuve d'un courage admirable en restant 8 mois dans une ville où il n'y a rien, où personne ne veut habiter. Elle m'a fait relativiser ma situation en posant des mots sur ce que je pouvais ressentir ici.


Arthur, l'Arménien discret qui est toujours présent quand on l'appelle. Il est un bon photographe au coeur sur la main. Il est aussi très protecteur et n'a pas peur de dire la vérité sur son pays.



Ed, l'Anglais Australien, artiste féministe qui a toujours cherché à m'aider en m'offrant l'hospitalité. Le seul garçon qui ait vraiment compris la difficulté d'être une fille européenne en Arménie.

Peter, le Hongrois à l'humour fatal... Le seul que je connaisse qui parle plus que moi... Un sve avec qui je partage mon lieu de travail à Zatik.

Ces gens qui ont fait de mon séjour en Arménie...

Julka, ma colloc lituanienne de chambre pendant 7 mois. Une fille courageuse avec qui j'ai passé de vrais bons moments à péter les plombs, à partager nos difficultés et à en rire...


Anahit, une autre Arménienne très ouverte d'esprit qui m'a proposé son aide et sa disponibilité dès le début, m'intégrant dans le dynamisme culturel d'Erevan. C'est aussi la plus belle que je connaisse!


Gregor, le plus proche de mes amis. Il a toujours été là pour m'écouter, pour partager. Nos avons eu de longues discussions assez alcoolisées je dois dire, à refaire le monde et à nous refaire nous mêmes. C'est son intérêt pour l'autre et son honnêteté à toute épreuve qui m'ont le plus touchée. L'amitié franco-allemande existe.


Hayes, l'Américain amoureux de la cuisine française. J'ai mis du temps à découvrir ce personnage au passé peu commun, qui a une grande culture et une générosité de coeur émouvante. C'est au Haut-Karabakh que j'ai compris tout ça.


Rajat, l'Indien avec qui j'ai passé quelques nuits blanches arrosées pendant l'hiver, à raconter nos vies et à médire sur les Arméniens. J'ai vraiment découvert la culture indienne grâce à lui.


Pour mon frère qui avait peur que je n'aie pas d'amis en Arménie.


Gohar, ma coordinatrice. Elle a tout fait pour que mon séjour et mon projet se passe au mieux. Elle m'a écoutée et a su s'adapter et me comprendre même si nous sommes totalement différentes. Sa famille est ma deuxième famille en Arménie.



Tagouhie, ma tutrice. Un tempérament de feu mêlé à une humanité sans pareille. Elle m'a fiat découvrir la culture arménienne et ses différentes facettes. Elle s'est toujours battue pour mes droits. Elle s'est aussi européanisée à mon contact et m'a énormément apporté.



Joao, le premier étranger que j'ai rencontré ici. Il m'a supporté plus qu'autre chose et m'a permis de rencontrer des gens, de découvrir la ville. J'ai passé de très bons moments avec lui. La France est aussi une culture latine.



Emma, une amie arménienne disponible qui m'a emmenée en Turquie et formée dans le domaine des échanges de jeunes. C'est quelqu'un qui relativise et qui a apaisé ma colère contre les Caucasiens plus nationalistes les uns que les autres.


Stepan, un étranger dans son pays tellement il est européen. Un garçon généreux dans tous les sens du terme qui pense d'ailleurs trop à l'autre avant de se prendre en considération. Il m'a fait découvrir l'Arménie parce qu'il est accros à la randonnée.

Monday, August 6, 2007

Zatik



Il arrive un moment (et ce moment arrive souvent) où on se demande ce qu'on fout là. Il faut absolument trouver les vraies raisons sinon Air France ne devient pas une aide mais un secours vital... Je dois avouer qu'au début, malgré l'ouverture d'esprit et l'accueil du personnel de cet orphelinat, l'intégration a été difficile. Je ne m'y sentais pas à l'aise malgré ou à cause des prévenances à mon égard. Je ne savais pas quoi faire là bas avec ces ados dont la moitié habite dans une maison cachée, tentant de survivre, privées des subventions de l'État parce qu'elles ont plus de 18 ans. Malgré leur âge, elles sont vraiment adolescentes. Pour les jeunes hommes, pas de problème, l'armée est une solution de deux ans.


Que c'est difficile à comprendre une adolescente! Jamais contentes! Si je leur apprends le français, elles me disent que c'est trop difficile, qu'elles préfèrent jouer. Je leur apporte des jeux et des animations, elles me disent qu'elles perdent leur temps. Cette situation a duré 5 mois! Je me demandais vraiment à quoi je servais. Puis soudain me prend l'idée tellement incongrue de faire un spectacle de théâtre en français. Du jamais vu: l'idée fait l'unanimité. (J'aurais quand même pu y penser avant!)


Le spectacle est une composition de Prévert, de Baudelaire, de Brel et de Gainsbourg. Elles sont 9 avec un garçon. Elles sont merveilleuses.


Zatik est devenu pour moi un mot magique par ce qu'il représente. Il y a Satenik, la prof de français qui m'a ouvert ce monde, chouchoutée pendant ces 8 mois et qui me prend pour sa fille. Je n'aurais RIEN pu faire sans elle! En plus, elle a une ouverture d'esprit extraordinaire! Elle comprend ce que je dis sur l'Arménie puisque n'ayant pas toujours vécu ici, elle a connu à son retour des moments difficiles. Elle m'a fait confiance et m'a beaucoup apporté! Et puis il y a mes filles (c'est comme ça que je les appelle) qui font preuve d'un manque d'amour considérable, d'un courage incroyable et qui ont des personnalités tellement différentes! Elles sont ma joie, elles sont ma raison de rester encore en Arménie. Où que j'aille, elles me manquent. J'ai l'impression de les abandonner si je ne les vois pas régulièrement.


Chaque fois, j'ai des émotions très fortes. Ma gorge se serre et je retiens mes larmes quand je pense que je ne vais plus les voir bientôt et que je ne vivrai plus ces moments de joie avec elles. Mariam, Anouche, Mérie, Edgar, Serbouhie, Aïda, Kariné, Christiné, Adelina, Aspram, Chorik, Lilith, duq im tziatzane eq...Yes dzez shat sirum em.

Thursday, August 2, 2007

Ne vous inquiétez pas, l'Arménie va mal...



Gyumri, deuxième ville d'Arménie, dévastée par le tremblement de terre de 1988. La ville, assaillie par la presse et la diaspora, est redevenue paisible, chaleureuse et propre. Nous y rencontrons une nouvelle volontaire arrivée ici depuis deux mois, une Polonaise rayonnante et charmante. "Alors, ça va en Arménie? Oui c'est génial!" me répond-elle. Au fur et à mesure que je pose des questions, elle me dit qu'elle ne comprend pas plein de choses. Elle est surprise que nous comprenions tous de quoi elle parle. Puis on tombe d'accord. Il y a plein de choses géniales, le plaisir de la découverte etc. Les gens sont prévenants et protecteurs mais ils nous étouffent!!! Ils n'y a pas d'échange, ils ne s'intéressent qu'à leur pays, pas à nous. C'est difficile. Ils ont plein d'excuses alors on garde nos petits malheurs pour nous et on ne s'autorise pas à dire qu'on ne va pas bien. C'est bizarre que nous soyons tous si d'accord...


"Tu viens d'où? Pourquoi tu as choisi l'Arménie? T'es étudiante?Est-ce que tu aimes l'Arménie? Est-ce que les Arméniens sont européens pour toi? Est-ce que tu trouves qu'Erevan est jolie? Tu veux pas venir chez moi? Tu es mariée? Tu as des enfants? Tu veux te marier avec un Arménien?..."............................... "Pourquoi NON?"


J'ai arrêté de parler arménien si ce n'était pas absolument nécessaire. Sinon, je suis embarquée dans ce genre de discussion infructueuse et sans fin.


Quand j'ai eu de la fièvre, mon ami indien presque médecin m'a soignée. Voici les conseils arméniens que j'ai reçus: Mettre ses pieds dans de l'eau bouillante, boire du thé au citron beaucoup, beaucoup, boire de la vodka avec du poivre, mange du miel et du yaourt... Réveillez-vous, j'ai 39 de fièvre, et une trachéite.


Dans un orphelinat arménien quelconque. Une jeune femme raconte qu'elle s'est fait violée par le directeur, qu'elle ne peut rien dire si elle veut pouvoir se marier et avoir une vie normale. La police? Non, elle a déjà 5 plaintes contre lui et n'a toujours rien fait. Tout s'achète en Arménie.


Dans un centre de réfugiés, un petit garçon aux manières louches est assez violent et ne comprend pas ce qu'on lui dit. Tout le monde sait qu'il est victime d'inceste.


Une autre jeune fille prend des médicaments pour ne pas souffrir lors de ses menstruations. Une dose de cheval. On lui fait remarquer. "Ce n'est pas grave et de toutes façons, dans un an je serai mariée" Les rapports sexuels mettront un terme à sa douleur mensuelle pense-t-elle.


Une femme de la diaspora va chez le gynécologue pour un problème quelconque. "Mettez du yaourt et ça passera" lui répond-il. Le yaourt résout les piqûres d'insectes aussi. Heureusement qu'ils en produisent suffisamment. Ça au moins ils n'ont pas besoin de l'importer.


Aujourd'hui, j'ai vu des Mormons, la dernière fois, c'était des Témoins de Jéhovah qui viennent profiter du désespoir de la population et parfois de leur ignorance. La magie noire est prise au sérieux par certains. Beaucoup de petits dictons sont utilisés en Arménie. Si un couteau tombe par terre, un invité masculin va arriver. L'acouphène provient de ce que quelqu'un est en train de parler de vous. Dîtes un nom à voix haute et si ça s'arrête, vous saurez qui parlait de vous. On reconnaît la qualité d'une femme à la façon dont elle dispose les herbes sur la table. Si quelqu'un éternue pendant une conversation, ça veut dire qu'une bonne chose va se réaliser.... Et tellement d'autres que j'ai oubliés. On attache beaucoup d'importance aux rêves.


Tout n'est pas comme ça ici, mais ça existe. Que les gens croient à des petits signes, d'accord. Mais quelques fois, l'ignorance, notamment sur la sexualité si taboue me fait peur et m'alarme. Je me sens tellement impuissante!


A l'appart, nous sommes dorénavant 4 (une française est ici depuis un mois) vivant dans une petite cuisine, une petite salle de bain, un salon correct, une chambre et un balcon débarras... Autant dire que nous nous marchons dessus et que la queue est longue pour la salle de bain. De plus nous avons l'honneur d'avoir quelques colocataires incongrus... Une famille de souris logent dans un de nos placards inaccessibles dans la cuisine, des cafards grouillent sur l'évier et un gros scorpion blanc se ballade nonchalamment dans ma chambre... Mais pas de panique, s'il me pique, pas de problème, vive le yaourt! Tout va bien donc en Arménie où il fait 40 degrés à l'ombre, où on n'arrive plus à dormir, où les pannes d'eau s'éternisent pendant quelques jours, les ampoules qui sautent, internet qui ne fonctionne plus (si tant est qu'il eût déjà fonctionné normalement...). Mais bon, l'été c'est plus sympa quand même. Et puis, on relativise. Je peux même dire que devant l'étrangeté et l'absurdité de notre situation, on rit vraiment beaucoup. Mes trois colocs sont plus fous les uns que les autres et me simplifient beaucoup la vie.


Je finis mon projet, il me reste un mois et je ne suis plus ici dorénavant et pourtant pas encore en France.